The
Plot
(Elles
sont arrivées…)
Op
18
Introduction
:
L’ouvrage ci-après est une bande
dessinée. Une BD. Une BD faite de BD. Ce collage groupe des
images parues dans années 60 à 80. 70 principalement.
Certains auteurs survivent, tel Wolinski - même s’il est
passé de mode - d’autres sont pratiquement disparu des
rayons des libraires et il faudrait une longue recherche
pour dénicher leurs ouvrages. Pourquoi la BD? J’ai toujours
pensé qu’elle était l’une des sources vivaces de nos
mythes. Elle ne crée peut-être pas de mythes mais elle est
le miroir où ils viennent se refléter. Un mythe est-il
quelque chose de vivant? Bien sûr. N’allez pas vous
emmerder chez BHL ou P?sollers. Les mythes qui aiment la
double compagnie des jeunes et des gens simples - plus que
celle des mandarins - pullulent de nos jours dans la BD et
le cinéma. Très peu à la TV qui tente vainement de créer
les siens. Vainement car ils sont de sable et leur
résistance au temps n’excède en général pas le temps de
l’émission. De quoi parle The Plot? De la Femme bien
évidemment. Ce montage vient en contrepoint de mes
innombrables ouvrages dont Guillaume Chenevière tient la
liste, tout en chronométrant mon involontaire course à la
productivité avec Amiel (je ne l’ai jamais lu…) et mes
parentés avec Chessex. Buenzod, lui, de son côté, dit que
Chessex à la “sexe triste” et que ce n’est pas mon cas.
Merci Mr Le D.G.A.P.P.E, (Directeur Général Adjoint à la
Programmation des programmes éditoriaux), merci, j’espère
que vous êtes dans le vrai. Car pour entrer avec sérieux
dans l’univers des mythes il ne faut pas perdre ce fil
orange qui se nomme sens de l’humour. Mon personnage
principal ressemble passablement à ce fameux Jack Le Coq,
mon personnage livresque depuis On a volé le Big Bang. Il
est naïf, un peu wolinskien (mais moins vulgaire malgré
tout que ces personnages), adorateurs de femmes et
iconoclaste, surtout immensément prêt à croire tout ce
qu’elles veulent lui faire croire. On sera tenté
d’expliquer les images qui suivent par le classique recours
à l’imaginaire masochiste masculin. Pourquoi pas? Le seul
ennui avec cette déclaration est qu’elle n’apporte rien,
aucune voie de recherche, aucune direction, il ne s’agit
que d’une phrase qui a peur de son contenu, donc de ses
mots. Pour être à la mode je dirais que l’intertextualité
du “PLOT” est du niveau le plus élevé qui se puisse
imaginer. Des BD parlent aux BD à travers une BD faite de
Bd. Si la fabula est simple (les femmes prennent le pouvoir
social, les autres elles l’avaient déjà), l’intrigue est
assez amusante. Voici quelques infos que je puis retrouver
à propos des auteurs de ces dessins. Justine (connotation
Sade) est une héroïne de BD italienne et il m’a été
impossible de retrouver le nom de son créateur. Aussi
touchante que ridicule - elle témoigne du regard latin pour
les blondes “con-querrantes” - elle joue dans le premier
acte puis devient une sorte de référence. Wanda (la
perverse) apparaît ici en espagnol, j’ai trouvé cette BD à
Figueras... mais son origine serait probablement Pervert
Wanda paru dans un zine style Playboy américain. Le style y
est. Misty, la tueuse de Dieu, qui préfigure la navrante
Buffy, est aussi américaine, une BD d’assez basse qualité
si ce n’est la séquence de la lutte contre Dieu, qui
ressemble fort étrangement au Maître des intégristes
américains d’alors et encore plus d’aujourd’hui.
Intéressant? Oui! Et ça vient des années soixante-dix ne
l’oubliez pas. Jézabelle qui, elle, provient - on peut le
voir - de la BD SM américaine (un genre très répandu), est
une sacrée chieuse, mais dans le réel elle n’est pas si
loin que ça de la “femme américaine standard”. La reine des
amazones, version Manhattan, côté Brooklyn, Ne pas oublier
deux choses : les Américains ont le culte de la punition
(alors pourquoi pas par la femme?) et aussi que Jézabelle
a, en littérature bédéiste, de très nombreuses cousines :
Superwoman, Supergirl, Wonderwoman, Catwoman, Mrs Medusa et
tant d’autres qui ont été très actives dans l’émergence de
la meneuse américaine combattante, dure et impitoyable.
C’est grâce à elle que nous sommes devenues des “male
chauvinistic pigs”, nous leur en savons grâce. C’est par
ailleurs à ce niveau que se situe le clivage entre
super-femmes européennes et américaines. Ces dernières sont
dès le départ entachées d’un goût de fast-food. Cravaches
Macdo et Bottes Pizza-Hut. Émotions Coke. Mais n’en daubons
point trop, elles ont leurs qualités et, finalement, nous
retomberions toujours sur le problème du goût américain et
de son mariage avec le business, n’est-il pas? Chez les
Européennes nous sommes (peut-être) plus riches, en
finesse, en diversité et en humanité - c’est du moins ce
que nous avons la faiblesse de croire. Barbarella,
illustrée par Vadim (ce grand découvreur scandaleusement
oublié par les Pharisiens), est accompagnée de Pravda
(inspirée de Françoise Hardy) et d’Hypocrite (Jean-Claude
Forrest), de Scarlett Dream (une vre Française…) ainsi que
de la Laureline de Mézière, ou encore Xiris, Jodelle,
Epoxy, Saga de Xam et beaucoup d’autres. Je n’oublie pas
les Italiens dont l’écriture - le style Justine mis à part
- est assez tourmentée et un poil hard pour l’époque :
Saudelli, grand fétichiste de talent, Crepax dont la
lecture est souvent difficile (optiquement!), créateur de
la fameuse Valentina. Dans l’univers français de la BD je
n’ai pas réussi à retrouver le dessinateur de ces
impressionnantes femmes épines qui apparaissent dans le
chapitre de la Cité des femmes. Elles me font penser, dans
leur côté sublimement glauque, à quelques textes d’André
Pieyre de Mandiargues dans lesquels l’amant imprudent
s’expose à une sorte de vivisection amoureuse très prisée
par le monstres féminin. Qu’elles se servent de vagins
dentés, d’instrument chirurgicaux ou d’armes de guerre,
l’allusion est facilement décodable, : la relative
faiblesse masculine face au pouvoir vaginal. Nous croisons
également de nombreuses héroïnes “instantanées” qui
semblent n’exister que le temps d’une couverture de
magazine, telle cette grimpeuse icarienne qui occupe la
première de couverture. Elle décrit bien - et de manière
amusante - l’impossible progression de la femme vers les
cimes du pouvoir. Impossible? Vous verrez bien. The Plot
est articulé en crises, comme un roman en chapitres) et il
faut y voir une évidente révérence à Lewis Caroll dans sa
Chasse au Snark. Dans les grandes lignes c’est une histoire
de fous, raconté par un naïf, embarqué au centre du récit
par des visions un peu fortes mais qui retrouve le nid
confortable de sa femme (maîtresse, mégère, amante,
dresseuse, gentille, présence et complément de sujet
direct) au prix d’une liberté qu’il serait bien incapable
de définir lui-même. Comme je le dis souvent JE (mon
personnage dans la narration) fait le con! Kali, première
évoquée, arrive en droite ligne de On a volé le Big Bang et
c’est elle qui ouvre et clôt les festivités, la Danseuse
Cosmique. Je crois que c’est cette ultime image qui est
responsable, dans mes sagas personnelles, de ce choix
plutôt surprenant, n’ayant que peu de connaissances dans
les religions et mythes de l’Inde. Une image qui passe,
rien qu’une image provenant sans doute d’une sorte de MAD
Magazine, un niveau pas génial, mais qui porte! Après une
brève séquence de “jambes féminines” (The Plot ne va pas en
manquer) paraissent Justine et Jézabelle qui, en filigrane,
mènent l’intrigue. L’auteur avoue quelque part (se livrant
ainsi aux plaisirs de la métanarrativité) qu’il ne s’agit
que d’une seule femme sous deux masques. Il faut noter les
apparitions trop rares à mon goût des grands dessins de
Playboy, qui sont généralement d’une grande drôlerie. Si
ces archives réémergent je les intégrerai: Et nous voici
partis dans le monde du contrepoint, où la femme de
Wolinski jour un rôle essentiel. C’est en général en bas de
page que les “nanas” viennent râler ou rêver. La créature
de Wolinski est excellente, drôle, spontanée et bourrée de
défaut, ce qui l’humanise. Misty tue Dieu mais c’est une
petite conne à qui ses bottes montent à la tête. Les femmes
de Wolinsky “sont au monde”, au sens du Da Sein! Elles sont
les real people, qualité qui manque presque totalement à
leurs collègues américaines trop premier degré. Le
contrepoint réside dans le fait de raconter diverses
histoires en même temps. Deux ou plus. Que sont ces
secondes voix? Des scènes d’amoureux, des histoires de jupe
de cuir, la contestation des douces femmes “Zen” et
quelques autres thèmes. J’ai utilisé des textes de
Baudelaire et de l’un de mes romans - LES CULS - à propos
de la Passante et de Don Juan. Autre influence de la BD,
celle de La foire aux immortels de Bilal, ouvrage dans
lequel - il n’y a pratiquement aucune femme - le héros, qui
devient fou à la fin, se récite les stances à Satan.
J’avais trouvé cette idée excellente et je la développe ici
à diverses reprises. L’intrigue y gagne en richesse et le
graphisme aussi. La guerre des sexes déclarée par Justine -
une idiote sans intérêt mais qui semble avoir Le Lieu et La
Formule - se prolonge sur 50 pages environ et reprendra,
aggravée au centre du récit. L’épisode Clair de Lune fait
penser aux Grand cimetières sous la lune de Qui vous savez.
Face à Baudelaire il y a Rimbaud, évidemment, avec son
bateau borracho. Là, je rends les graphismes aussi “noir et
blanc” et peu sophistiquées que possible. Car tout passe
dans le style et la couleur du jeune Maître. On poursuit et
on découvre sans surprise que Justine est bi, Jézabelle...
aussi. Plus loin, aux alentours des pages 90 sqq, on
découvre un reportage sur le grand complot anti-Dieu,
espionnage et déicide, le thème est presque mineur, les
dessins intéressants. La voie étant libre - entendez que
l’obstacle religieux et moral est éliminé - nous accéderons
à la Cité des Femmes, référence Fellinienne s’il en est.
Voyez vous-même ces laboratoires de l’improbable, je n’en
ai montré qu’une petite compil… Baudelaire me permet d’y
apposer un contrepoint d’une vérité assez surprenante avec
sa fameuse et lancinante musique : Car j'ai, pour fasciner
ces dociles amants, De purs miroirs qui font toutes choses
plus belles : Mes yeux, mes larges yeux aux clartés
éternelles! et nous reprenons le fil de cette barcarolle,
très Heimweh de Pierrot Lunaire, qui nous emmène presque
tranquillement vers la Lotharingie des Femmes, leurs
Napolas et un Paradis néo-nazi qui, fort heureusement,
Valérie Solanas et quelques autres mises à Je désaprouve
totalement tout ce qui va suivre! part, semble n’avoir
jamais été leur projet principal. Nous n’en sortirons que
vers les pages 170 - en l’état de cette histoire - pour
Phrases, l’un des plus beaux textes de Rimbaud. Ce qui
déclenche chez le narrateur une sorte d’acrophobie -
horreur des sommets - et le fait rêver d’un retour à la
norme. Cette norme, sous des allures plus tranquilles, ce
sera La Loi des Femmes. La boucle est ainsi bouclée. Son
Errance se rend compte que la fuite est impossible, elle
renonce. Elle contemple un Avenir qui part à reculons, et
dans lequel, ultime image, l’Amazone va se débarrasser de
sa ceinture et - tenez-vous bien - de ses bottes! Kali
vient m’aider à conclure - car je n’aimerais pas renoncer à
la veine onirique - et, que reste-t-il de cette promenade?
L’immense talent de tous ces dessinateurs et une intuition
qui m’accompagne et se renforce depuis ma jeunesse: l’art
populaire, chanson et dessins, véhicule les énergies des
mythes de l’humanité. Beaucoup plus efficacement et
rapidement que la classe universitaire.